Publié par Amnesty International le 13.02.2025
Les enfants vivant dans la capitale haïtienne et ses environs subissent de plein fouet les violences incessantes et croissantes des gangs. Leurs droits fondamentaux ne sont plus respectés alerte notre dernier rapport.
Recrutements forcés, viols, violences sexuelles, enlèvements, homicides, blessures irréversibles… grandir aujourd’hui à Port-au-Prince et dans les environs de la capitale haïtienne est devenu une épreuve pour de plus en plus d’enfants exposés aux violences des gangs qui font régner leur loi brutale, depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021. La quasi-totalité de la capitale vit désormais sous la coupe réglée de ces bandes organisées ultra-violentes, qui n’hésitent pas à agresser, violer et tuer les enfants.
C’est dans ce contexte difficile que nos équipes de chercheurs ont rencontré 112 témoins, des enfants, des travailleurs humanitaires et des responsables politiques au cours du mois de septembre 2024. Leur enquête portait sur les violations des droits humains commises dans huit communes du département de l’Ouest.
Leurs conclusions, édifiantes, ont été compilées dans notre dernier rapport intitulé « Je ne suis qu’une enfant, pourquoi cela m’est-il arrivé ? ». Haïti : l’offensive des gangs contre l’enfance. »
Extraits du rapport
Deux sœurs adolescentes ont été enlevées par des membres d’un gang alors qu’elles rentraient de l’école et ont été victimes d’un viol en réunion : l’une d’elles a été violée par cinq hommes et l’autre par six. L’une des deux sœurs déclare : « J’y pense et je me dis, je ne suis qu’une enfant, pourquoi cela m’est-il arrivé ? »
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Une jeune fille de 17 ans, qui vivait à Carrefour-Feuilles, est enlevée en décembre 2023 par des membres d’un gang alors qu’elle était sortie un soir pour acheter de la nourriture. Vêtus de noir et visages dissimulés, ils l’ont conduite dans une maison où cinq d’entre eux l’ont violée à tour de rôle. « Ils m’ont dit : “Tu ne parleras pas de ça. Si tu en parles, on te tuera.”, témoigne-t-elle. Puis ils m’ont dit de partir. » Elle a appris plus tard qu’elle était enceinte : « Cela m’a détruite… Je n’ai personne pour m’aider avec le bébé. »
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Un garçon de 12 ans explique avoir été forcé par des membres du gang Grand Ravine à recueillir des informations : « Si j’avais refusé de le faire, ils m’auraient tué. » Un autre préadolescent témoigne avoir été forcé par un gang à porter une arme et à commettre des infractions : « Ce que j’ai fait, je ne l’ai pas fait de gaité de cœur. Je ne comprenais pas ce que je faisais. Je tenais une arme, pas pour faire du mal, mais pour subvenir à mes besoins. »
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Certains enfants sont frappés et menacés s’ils refusent d’obéir aux ordres. Une fille de 17 ans explique que des membres du gang Ti Bwa l’avaient envoyée acheter des cadeaux pour leurs petites amies et nettoyer des logements en échange de tout juste deux dollars américains. Elle a ajouté : « Parfois je dis que je ne veux pas le faire, alors ils me crient dessus et me disent : “Quand le chef te demande de faire quelque chose, tu dois le faire”… On ne peut pas leur dire non. »
Le recrutement et l’utilisation d’enfants par les gangs en Haïti sont interdits au titre du droit national et international : entre autres atteintes aux droits humains, cela fait des enfants des victimes de la traite des êtres humains.
Des gens passent devant une voiture incendiée par des gangs armés dans la ville de Port-au-Prince, à Haïti, le 10 décembre 2024 / © Guerinault Louis / Anadolu via Getty Images